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veilleur1
2023-12-01
Bulletin n° 11    C 1

#Principal :
culture numérique
exemples
inspiration
#Secondaire :
entreprise
Interêt :
stratégie
Média :
actu
Web
Objectif :
comprendre
savoir
Pestel+ :
écologique
économique
technologique

Téléphones portables, éoliennes, voitures électriques, rafales, ampoules LED, avions... La liste des objets utilisant des terres rares est presque sans fin. Ces terres rares portent mal leur nom : ce sont des métaux qui ne sont pas rares (certains sont aussi abondants dans la croûte terrestre que le cuivre ou le plomb) mais difficiles à extraire car ils sont mélangés avec d’autres éléments. Le monopole chinois sur les terres rares n’est donc pas une fatalité et une autonomie européenne (au moins partielle) est possible dans ce domaine, cependant, elle impliquerait un fort investissement et pose la question de la (ré)ouverture des mines avec beaucoup d’incertitudes... une chose est cependant sûre : dans la transition énergétique et le développement du monde numérique qui s’annoncent, les terres rares ne laisseront personne indifférent.

Des matières premières hautement stratégiques Ainsi, les terres rares ne se trouvent pas de manière brute mais doivent être séparées des autres éléments : c’est ce qu’on appelle le raffinage, un procédé nécessaire mais très polluant. Par exemple, pour avoir 1 kilo de gallium, il faut par exemple extraire 50t de roches et, cas extrême, pour 1 kilo de lutécium, il faut 1200t de roches ! Contrairement au pétrole ou au gaz, ce marché a une taille ridicule au niveau mondial (valant près de 5 milliards de dollars... la production de terres rares ne représente en quantité que 0,01% de celle de l’acier !) mais son importance stratégique est capitale car il est au cœur de produits clés dans des domaines hautement stratégiques comme la défense ou à forte croissance comme les technologies ou la transition énergétique. Leur consommation devrait ainsi être multipliée par au moins 7 d’ici 2040 selon l’ADEME. Stricto sensus, les terres rares sont constituées de 17 éléments aux noms peu évocateurs (néodyme, cérium, thulium,...) ayant des propriétés physiques proches. Cependant, lorsqu’on les évoque d’un point de vue économique, on pense surtout aux métaux clés pour assurer notre indépendance industrielle : ceux-ci sont rassemblées par la Commission européenne dans une liste de matières premières critiques. Ce sont donc les 30 métaux de cette liste qui seront évoqués dans cet article dont certains peuvent être familiers : la quasi-intégralité des terres rares mais aussi le lithium, le cobalt ou le titane. Un marché à hautes tensions géopolitiques Le 7 septembre 2010, le Japon arrête le capitaine d’un chalutier chinois dans sa zone maritime que Pékin revendique depuis les années 1970... la Chine réagit alors immédiatement en arrêtant l’exportation de terres rares vers son voisin. Si cet embargo n’a duré que quelques semaines (le Japon ayant décidé de libérer le capitaine du chalutier chinois), il a grandement inquiété l’industrie japonaise dépendante à près de 90% de la Chine pour son approvisionnement en terres rares et a fait exploser les cours mondiaux de ces métaux. Et surtout, il a montré que les terres rares peuvent être un outil politique surtout contrôlé par un pays : la Chine. En effet, aujourd’hui, l’Union européenne est dépendante à plus de 90% de la Chine pour ses importations de terres rares : un chiffre énorme qui pose de graves problèmes stratégiques. En dehors d’un embargo (cas extrême), Pékin peut très bien utiliser les terres rares pour obtenir des concessions stratégiques ou augmenter artificiellement les prix. Elle pourrait aussi décider de ne plus vendre de terres rares que dans des produits finis : par exemple, si elle stoppe l’exportation de terres rares, elle peut tuer l’industrie des voitures électriques étrangères et ainsi imposer à ses partenaires commerciaux d’acheter des voitures électriques made in China. Face à une situation de dépendance addictive de l’Union européenne et de nombreux pays vis-à-vis de la Chine, difficile d’imaginer un monde où les pays occidentaux étaient non seulement auto-suffisants mais exportateurs de terres rares et pourtant, il a existé. Comment en est-on arrivé là ? Il y a 3 phases de domination sur le marché des terres rares : la première phase se déroule avant 1965 où les principaux producteurs étaient l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Inde mais la production était marginale. La 2ème est celle de la domination occidentale sur ce marché : entre 1965 et 1985, la majorité des métaux rares y étaient extraits et raffinés (aux États-Unis surtout mais en Europe également). Comprendre la bascule entre cette phase et la phase actuelle (celle de la dominance chinoise) peut se voir à travers 2 hauts lieux des terres rares : la mine de Moutain Corp aux États-Unis et l’usine Rhône Poulenc en France. La mine de Moutain Pass était, de loin, la plus grande mine mondiale de terres rares dans les années 1970. Clé de l’autonomie stratégique en terres rares américaines, elle produisait des dégâts environnementaux considérables en rejetant de grandes quantités d’eau dans les bassins environnants (en 15 ans, on y a dénombré une soixantaine d’accidents). Suite aux inquiétudes des riverains et des autorités locales, les dirigeants de Molycorp (l’entreprise qui exploite la mine) se sont interrogés, à la fin des années 1990, sur la pertinence de rester aux États-Unis. Au même moment, la Chine émerge en faisant un dumping sur le secteur minier : des régulations environnementales inexistantes permettent à la Chine de produire des terres rares près de 2 fois moins chères qu’aux États-Unis... Face à la concurrence chinoise, la mine de Moutain Pass ferme en 2002. La France a également subi des problèmes similaires avec son usine de Rhône-Poulenc. Dans les années 80, celle-ci assurait le raffinage de plus de 50% des terres rares produites dans le monde (il y a en effet 2 phases pour obtenir des terres rares : l’extraction où elles sont mélangées avec des roches et le raffinage/purification qui consiste à extraire les terres rares des roches). L’usine située dans la baie de la Rochelle avait consenti à d’importants efforts pour limiter les impacts de son activité mais le raffinage des terres rares étant une activité polluante par nature, l’usine émettait du thorium (un élément radioactif). Les riverains se mobilisant de plus en plus face aux risques que posaient l’usine, Rhône-Poulenc décide en 1994 de délocaliser ses activités en Chine... mettant ainsi fin au raffinage des terres rares en France et en Europe.